Exposition NOS DESERTS //
Dans le cadre du mois de la photographie à paris //
Du 14 au 30 nov 2014 //
Vernissage le vendredi 14 novembre de 18h à 22h //
Jean-Pierre Attal, Vincent Debanne, François Ronsiaux, Alexeï Vassiliev //

exposition Avant L'aube

François Ronsiaux - 28eme Parallèle - New_Order_2012 - Tirage C.print sous Diasec

 

Plateforme réunit quatre photographes montrant les mécanismes de dépersonnalisation à l’œuvre dans
les grandes métropoles contemporaines, leurs suburbias et leurs entreprises globalisées : l’humanité est ici défigurée, voire simplement absente.

Réalisés à Paris et Moscou, les panoramiques d’Alexeï Vassiliev de la série Quo Vaditis ? décrivent des foules
en mouvement, floutées dans leurs parcours de commuters. Un magma d’anonymes, silhouettes qui ne résistent pas à la lenteur de pause, dans lequel les corps et les regards se frottent sans susciter d’échange.

Ce sont des foules que l’on logerait volontiers dans les lotissements pavillonnaires photographiés
en Ile-de-France par Jean-Pierre Attal. Dans la série Intra muros, les cubes standardisés qui composent
ces banlieues évoquent un désert humain qui guette le désert symétrique des plaines céréalières.

Avec les Incidents de Vincent Debanne, les édifices instaurant un contrôle républicain sur les banlieues parisiennes – hôtels de ville, préfectures – sont victimes de subtiles altérations : incendies, bris de glace,
ou impacts de balles et évoquent des émeutes dont les émeutiers, comme les victimes, ont étrangement déserté la scène.

Chez François Ronsiaux, l’absence prend la forme d’une présence masquée. Dans 28ème parallèle, les figures en combinaison de latex envahissent les décors du monde globalisé - salles de meeting, hôtels d’affaires– et hantent les technocrates qui les peuplent. S’agit-il d’une vraie révolte, ou d’une simple levée de clones, blancs de toute intention ?

Dans le vide qu’instaure cet absentéisme des êtres, c’est une question, tout aussi politique qu’esthétique,
qui est posée : celle de la transparence, de nos vies, comme des pouvoirs qui les régissent.

 

 

Mois de la photographie à Paris 2014           


Artistes :

Jean-Pierre Attal, Vincent Debanne, François Ronsiaux, Alexeï Vassiliev.

 


 

 

 

Jean-Pierre Attal

Intra muros.

 
     
 
     
 

Lorsque l’on parle de « lotissement pavillonnaire », la plupart des gens mettent immédiatement une image sur ce terme. J’ai donc eu envie de poser ma vision sur cet inconscient collectif, explorant ainsi un nouvel archétype de fourmilière.

Ce travail a été réalisé aux limites extrêmes de la mégapole parisienne. Cette frontière sans cesse en évolution est colonisée par un habitat d'une absurdité inquiétante.

Ces unités de vie trop bien rangées se ressemblent pour mieux se rassurer. Elles  débordent de répétition et en niant toute différence, provoquent un sentiment angoissant de vide. Difficile ici de parler de centre ville, l’absence de tout commerce et de tout espace collectif donne la sensation de se perdre dans un dédale illimité.

« intra muros », où comment le désir du chacun chez-soi établit un modèle urbain désincarné.

     
 
     
 

Vincent Debanne

Incidents.

 
     
 
     
 

Vous êtes assis sur le muret qui borde le parvis de l’hôtel de ville de Créteil observant alternativement le bâtiment et l’écran de l’ordinateur posé sur vos genoux. Sur l’écran, l’image semble celle d’une carte postale ou plutôt d’une publicité immobilière, la promotion de la République se donnant en spectacle. L’hôtel de ville, bien centré, est portraituré dégagé, sur fond d’espace vert, le contexte juste signalé par les arêtes vives de l’immeuble au nord du parvis ; le projet architectural de Pierre Dufau est parfaitement mis en valeur ; la hampe du drapeau souligne l’axe vertical de symétrie de la tour et de la photographie ; le drapeau flotte mollement presque au point d’intersection des diagonales, dont l’une à droite coupe à mi-hauteur la croix de Lorraine et l’autre à gauche hérisse trois hampes ; le ciel légèrement voilé est délicatement rougeoyant. Symbole architectural actuel de l’exercice du pouvoir local et des décisions plus anciennes de réaménagement de l’espace-capitale, le monument, ainsi magnifié d’une arrogance tranquille qu’aucune présence humaine ne vient contester, hormis quelques vêtements et objets laissés sur un banc, est incidemment ébranlé par les dégagements de grenades fumigènes et le départ d’un incendie, sans doute volontairement allumé sur la terrasse qui sépare les deux corps verticaux du bâtiment.

Votre regard est envoûté par les jets de fumée. Vous vous souvenez de quelques manifestations place de la République ou de la Bastille, des odeurs, du bruit, des cris, et des photographies qu’en ont diffusées les médias. Vous conviez quelques icônes du printemps 1968, les images d’insurrections populaires qui ponctuaient vos manuels scolaires, la fumée, les brèches, les couleurs du drapeau, l’élan, la fougue du peuple, la rumeur qui gronde et ce cri étrange « Aux Armes ! » que répercute Jules Michelet dans son Histoire de la Révolution française. Vous vous récitez l’article 35 de la déclaration des droits de l’an I : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Vous voyez la Bastille enfumée barrant le faubourg, pas celle des manuels scolaires de Cholat, Lallemand ou des anonymes du musée Carnavalet, mais celle d’Hubert Robert, dans le clair obscur épique de nuages et de fumée des premiers jours de sa démolition, la tour d’angle massive à la morgue déchue plantée au centre du tableau, les brèches ouvertes dans son couronnement. Vous voyez aussi les manifestations plus particulières, catégorielles, celles qui font le quotidien des actualités télévisées, les jets d’objets divers contre les façades des préfectures par des paysans étranglés par le prix de leur travail, les feux de matériaux devant les usines occupées par les ouvriers licenciés, les bris de vitres d’entreprises délocalisées ou fermées sans égard aux employés. Vous figurez un monde où l’exclusion serait la forme du projet politique.

Vous affichez maintenant à l’écran les hôtels de ville de Nanterre et de Bobigny, la préfecture du Val d’Oise… ; même construction des images : l’angle imposant, hermétiquement projeté en avant, des architectures, les réminiscences atténuées, réduites, l’action invisible, anonyme, euphémique. Vous pensez à L’insurrection qui vient, largement popularisée par les médias et à ce Comité invisible qui en signe la couverture, aux émeutes de 2005 et à leurs qualifications par la presse et les responsables politiques, à l’insurrection, au repassionnement de la vie de Guy Debord. Vous êtes frappés par le vide de la scène, l’anonymat de l’incident – anagramme homophone de l’incendie qui démarre –,  l’invisibilité sociale et politique des acteurs, la désertion des responsables.

La nouvelle série Incidents de Vincent Debanne, en focalisant quelques architectures des lieux réels et symboliques du pouvoir local, conçus par des architectes connus,(...) conduit ainsi à méditer les temporalités récentes ou plus anciennes de l’exercice des pouvoirs représentatifs, des choix, architecturaux, urbains, quotidiens, plus ou moins imposés aux populations autant que celles des résistances, des volontés de revivifier l’ordinaire plus ou moins à distance des visibilités traditionnelles de revendication.

Jean-Marie Baldner

     
 
     
 

François Ronsiaux

28 ème Parallèle.

 
     
 
     
 

Le projet 28ème parallèle est une  recherche photographique et plastique sur les différentes expressions des théories du complot.
Une exploration fictionnelle des frontières de la réalité en tant qu’information falsifiée par une société surmédiatisée.
L’image contemporaine multisupport produite par l’ingeniering de la propagande définit ce qui est juste au dessus de toute recherche intellectuelle ou instinctive.
Dans le 28eme parallèle, 5 énarques au dessus des lois et des frontières géopolitiques contrôlent la planète en utilisant le panel de médias modernes et la sublimation d’images.
Ces 5 personnes identiques d’apparence dénommées " sources " influencent et orientent les choix politiques, définissent les règles globales internationales à appliquer et influent sur la vie de tous les individus.
Un nouvel ordre politicospirituel appelé "les guides" se crée constitué d’électrons dans le but d’une réappropriation de la planète par ses habitants.
Dans une représentation symbolique et fantasmagorique, ces guides à l’allure fantomatique étudient les failles du système et pénètrent par leur précepte de fonctionnement et de pensée autonome le réseau de propagande international.
Leur route les mène inévitablement vers les 5 sources.

Par cette allégorie et cette fiction, le 28ème parallèle approche les systèmes modernes de manipulation des populations, dans la lignée des œuvres de science fiction  de Philip K. Dick à George Orwell, dans une réalité bien encrée et non loin de la philosophie de notre époque contemporaine.

     
 
     
 

Alexeï Vassiliev

Quo Vaditis ?

 
     
 
     
 

Dans cette série Quo Vaditis ? je continue à explorer le flou mais le sujet auquel je m’attache devient plus ambitieux.
Les êtres furtifs et solitaires que surprenait mon objectif et dont le flou révélait l’essence cèdent la place à des foules pressées, compactes, indifférentes qui avancent, se suivent, se croisent, s’arrêtent et reprennent leur marche sans que jamais le moindre regard ne soit échangé.

Chacune des photographies a été conçue comme une fresque et fera l’objet d’un tirage grand format (2 x 9 m). Les personnages apparaîtront ainsi « grandeur nature » créant un rapport particulier entre l’œuvre et celui qui la regarde. Mon intention est de confronter le spectateur à une échelle qui est la sienne pour mieux l’impliquer. J’aimerais qu’il entende le bruit sourd et obsédant des pas, qu’il perçoive jusqu’au vertige le faix inexorable de tant de présences, qu’il se sente progressivement happé par l’œuvre et qu’il noue avec elle des liens à la fois  physiques et esthétiques.